il fait noir, je suis emmitouflée dans mon vieux gilet, recroquevillée sur moi-même dans la cabane du jardin. des bruits de verres et d'assiettes résonnent depuis la maison et la peu s'engouffre dans mes pensées. cela fait quelques soirées que c'est ainsi. des cris, des assiettes qui volent, des bouteilles qui s'écrasent sur le sol. mon père a toujours aimé l'alcool. avant il en buvait de temps en temps ou du moins modérément. mais je crois que avec la pression de son travail et les petites tensions entre ma mère et lui, l'ont fait dérapé. il avait été un père exemplaire pourtant. jusqu'à mes huit ans, après ça a dégénéré. il rentrait tard le soir, souvent bourré. ma mère l'attendait dans la salon et dès qu'il entrait, elle se jetait sur lui, le blâmant autant qu'elle le pouvait. alors les disputes ont commencé. je n'arrivais plus à m'endormir. je me sentais seule et désarmée. mes parents ne s'entendaient plus. mon père dormait souvent sur le canapé, une bouteille juste à côté. le matin quand je me réveillais, je trouvais des bouts de verres par terre et plusieurs bouteilles vides à côté de mon père. même le matin il était ivre. mais je crois qu'il essayait de se contenir avec moi. du coup je ne le voyais presque plus. à mes dix ans, il a commencé à ne plus rentrer certains soirs à la maison. ma mère devenait folle. elle le critiquait sans cesse, pleurait et des fois m'accusait. tout se ramène à ce soir. dès que les cris ont commencé, je suis partie dans le cabanon pour me réfugier. je sais bien que je ne pourrais pas m'endormir dedans, mais je me sentais déjà plus en sécurité. il avait l'air plus ivre, plus en colère, plus pathétique. et connaissant ma mère, ça allait être la pire confrontation. j'ai toujours eu peur qu'il la frappe. mais ça n'est jamais arrivé. pourtant ça ne me rassurait jamais. ces bruits de vaisselles cassées.... je n'en pouvais plus. mes mains sur mes oreilles, je prie pour que ça se finisse. mes yeux sont remplis de larmes et je vois flou. pourtant j'arrive à apercevoir une silhouette. mon rythme cardiaque augmente, je ne peux pas dire qui c'est. mais cette silhouette me semble familière et rassurante. il me prend dans ses bras et me caresse la tête doucement. c'est caleb. mon voisin. il a juste un an de moins que moi, mais on s'en fiche. j'ai onze ans et lui dix, mais on se comprend. je suis tellement contente qu'il soit là. je ne me suis jamais sentie autant en sécurité. "tout va bien, je suis là effy."

je sais que ma mère se retient de fondre en larmes. elle s'est toujours retenue. du moins depuis le départ de mon père. depuis les nouvelles vont mal. mon père est parti, pour de bon. ma mère croit encore qu'il reviendra, mais je ne me fais pas trop d'espoirs. c'est mieux qu'il soit loin de nous. mais ce n'était peut-être pas la pire nouvelle. je dirais même que c'est une bonne nouvelle qu'il soit parti. même si ma mère a dû travailler comme une folle pour nous permettre de vivre normalement et j'ai même dû commencer à travailler moi aussi. mais ça ne me dérange pas. je suis contente de pouvoir enfin l'aider. sauf que peut-être que je ne pourrais plus l'aider. cela fait quelques minutes que j'ai décroché. le médecin est en face de nous, ma mère écoute attentivement et moi je suis ailleurs depuis qu'on m'a annoncé que j'avais un cancer. c'est fou comme on se sent après qu'on nous annonce qu'il y a une possibilité qu'on meurt à cause d'un cancer. à la télévision, sur internet, dans les journaux, chaque jour on voit des histoires comme quoi ils font des recherches sur tel cancer ou que machin a survécu ou au contraire est mort. on fait aussi des films sur ces maladies, dans le but de nous faire prendre conscience qu'on peut tous être dans le même cas ou alors juste pour occuper notre après-midi car il y a une histoire d'amour dans ce film de cancer. j'ai toujours observé tout cela d'un oeil distant. je ne pensais pas que ça m'arriverait. je pensais pas que tout ce qui m'arrive se réaliserait. j'ai dix-sept ans et j'ai un cancer. je n'ai pas envie de pleuré, mais j'ai pas envie de crié de joie. la personne la plus inquiète doit être mon petit ami, caleb. on vient tout juste de commencer à sortir ensemble et il apprend que sa petite amie a une chance de mourir et qu'elle va sûrement pas ma souffrir. j'ai mal pour lui, pas pour moi. ce qui arrivera devra m'arriver. étrangement, je me fais une liste de toutes les choses que je dois absolument faire avant de commencer les thérapies, mais aussi des choses que j'aimerais faire avant de mourir... si je meurs. le docteur a dis que j'ai un petit risque vu que nous avons découvert mon cancer assez tôt. mais qu'on ne sait jamais alors il faut que je sois prête à tout. "elizabeth êtes vous prête ?" la voix apaisante et grave du docteur me ramène sur terre et je peux entrevoir le regard froid de ma mère. je devine qu'elle m'engueule par la pensée pour ne pas avoir écouté ce qu'il disait. et il le comprend d'ailleurs. "je disais si vous étiez prête à commencer les thérapies dès la semaine prochaine ? plus tôt nous nous y mettons, plus vous avez des chances de guérir mademoiselle anderson." argh je déteste qu'on m'appelle ainsi. même si je ne suis pas mariée, mais un elizabeth aurait suffit. je hausse les épaules et souris passivement au médecin. de toute façon je n'ai pas d'autres choix. je sais que je pourrais dire non aux thérapies et me laisser mourir, mais à quoi ça servirait si on peut me guérir ? pour une fois c'est moi qui ait le choix. avoir dix-huit ans a ses avantages, mais ma mère gardera toujours un contrôle sur moi. et je l'aime trop pour lui dire non. "oui je suis prête."

cela fait des années, des mois, des jours, des heures, des secondes que j'attends ce jour. cela fait un an que je suis en rémission et je vais très bien. d'ailleurs je n'y pense plus. mon petit ami me traite toujours comme une poupée en porcelaine et ça m'énerve quelque peu. je vais bien, je n'ai plus le cancer en moi alors il devrait passer à autre chose. mais je le comprends, s'il était à ma place et moi à la sienne, j'aurais réagis de la même manière. mais trêves de bavardages. aujourd'hui je rentre enfin à l'université. après m'être battue un an contre le cancer et avoir pris un an pour tout récupérer et être plus que prête pour rentrer en fac de lettres... me voilà. je n'ai pas vraiment réussi à dormir cette nuit, sûrement le fait de la nervosité et de l'excitation. j'attends ce jour depuis tellement longtemps. toute ma vie j'ai travaillé dur pour pouvoir rentrer à l'université. j'ai mis mon adolescence de côté pour avoir les meilleures notes, pour être la meilleure, celle qu'on veut choisir. et j'ai réussi. certes des imprévus m'ont barré la route, mais j'ai su surmonter ces difficultés. me voilà donc fin prête pour ma rentrée. n'ayant pas beaucoup de moyens, j'ai réussi à être acceptée grâce à une petite bourse. mon bulletin a charmé les recruteurs, mais je crois que cette histoire de cancer les a pas mal touché, ils ont sûrement dû avoir pitié de moi.... ça ne m'enchante pas, mais si c'est ce qui les a fait changer d'avis, j'en suis ravie. j'attends donc ma mère sur le poche pour partir. j'ai décidé de porter ma plus belle robe pour ce jour. une robe bordeaux longue du même tissu que les tailleurs. j'ai enfilé aussi de simples ballerines noires et j'ai attaché mes cheveux en un chignon. la fille parfaite d'après ma mère. et j'avoue que j'aime bien comme je suis aujourd'hui.
le ronronnement d'un voiture se fait entendre et caleb se gare juste en face de chez moi. je cours le rejoindre et dès qu'il sort il me plante un petit baiser chaste sur la bouche. "tu es magnifique aujourd'hui effy. prêtes alors ?" je lui souris et vois enfin ma mère arrivée. je crois que je suis plus que prête. "on peut y aller je crois." il me souris et me prend dans ses grands bras. je suis la fille la plus heureuse du monde.

nathanaël est son prénom. il est mon opposé et un crétin complet. il est froid, sadique, coureur de jupons, grossier, bref tout ce qu'il y a de plus détestable sur terre. et pourtant je ne peux m'empêcher de l'observer à chaque fois qu'il entre dans une pièce. il est si mystérieux, si interdit. il a le bras droit couvert de tatouages et j'imagine qu'il doit en avoir d'autres. il a aussi un piercing sur la lèvre avec lequel il adore jouer avec. dès que ma mère l'a vu, elle m'a dit de faire attention, de ne pas trainer avec lui. mais comment faire alors qu'il va dans les mêmes cours que moi et que ma colocataire est sa meilleure amie ? impossible. et même si je l'ignore, je me retrouve toujours dans ses pattes. je sais pas pourquoi. il m'attire, je suis comme un papillon de nuit avec lui et je sais que je devrais abandonner. il est tellement sec et cruel. en plus j'ai un petit ami parfait, très gentil et attentionné. alors pourquoi je m'intéresse tant à lui ? pourquoi ? et pourquoi doit-il toujours me chercher, me provoquer, faire sortir ce qu'il y a de pire en moi...