SOLEIL 2000

quand j'avais 5 ans, je m'ai tué
maman elle était belle quand elle dansait dans la cuisine, faisant chanter les oiseaux avec son rire merveille. elle renversait toute la vaisselle, c'est ses bras qui étaient trop grands, elle savait pas où les mettre, qu'elle disait. il y avait ses longs cheveux blonds, ils sentaient bon la vanille et les fruits, et quand elle ouvrait la fenêtre, c'est toute la pièce qui était embaumée de son odeur. elle m'appelait "mon petit soleil" à cause que je souriais tout le temps et que mes cheveux étaient encore plus blonds que les siens. et tous les soirs, avant que je m'endorme, elle s'asseyait à côté de moi sur mon lit, et elle glissait des gâteaux sous mon oreiller. ils avaient la forme d'étoiles.
mais papa il aimait pas trop quand maman chantait dans la cuisine. ça l'empêchait de travailler, qu'il disait. mais moi je sais qu'il travaillait pas vraiment. il était devant la télé avec sa grosse bouteille et puis il regardait des dames un peu fortes d'en haut danser sur la plage. il aimait pas quand maman chantait, ça faisait trop de bruit. alors des fois, il frappait maman, il me disait d'aller me cacher mais moi j'entendais tout. les poings, la chair, le sang, les cris, la haine, la violence.
un jour papa et maman ils sont partis faire les courses et moi je suis resté à la maison avec tante ally. papa et maman ils sont jamais revenus. taty, elle disait que c'est la route qui les avait avalés. moi je crois que c'est papa qui a avalé maman.

ultraviolence
j'ai toujours autant de mal à accepter la vie qu'on m'a donnée, ou plutôt, celle qu'on m'a volée. aujourd'hui, je refais surface petit à petit, mais parfois, au lieu de sortir la tête de l'eau, je me noie. je me noie dans tout ce qu'il y a de bon à portée de main, et je vis, je suis là. c'est les clubs délabrés et les corps qui s'entrechoquent, c'est les vilaines douceurs qui coulent dans les veines et font exploser mon cerveau; c'est ce qui me maintient en vie. mon corps ne répond plus, il n'est qu'un amas de conneries, qu'un condensé de ces années vécues dans la douleur. dans la peur de devenir celui que je ne connais presque pas mais qui, pourtant, me hante : mon père.

(FICHE)

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